Manuela Vargas : « À l'association C.H.E.V.A.L, on a bien vu l'impact de l'inflation sur le nombre d'abandons »
01/03/2025 09:00 AM
Chaque année, de nombreuses associations de protection animale tentent de rendre la vie meilleure aux chevaux victimes de mauvais traitements, à l'image de l'association C.H.E.V.A.L.. Face au nombre d'abandons et de saisie qui ne cesse de croitre ces dernières années, sa présidente, Manuela Vargas, tire la sonnette d'alarme.
Ces dernières années vous avez fait face à une augmentation du nombre de chevaux pris en charge. Quelles sont les situations auxquelles vous êtes confrontés ?
C'est surtout en 2023 que nous avons rentré le plus de chevaux, près d'une vingtaine. Il y a vraiment eu plusieurs profils. Il y a eu sept chevaux que nous avons récupéré en divagation. Leur propriétaire avait complètement arrêté de s'en occuper depuis deux ans. C'était les voisins qui se mobilisaient pour les ramener dans leur pré, mais cette situation ne pouvait pas durer. Alors nous avons été appelés pour les récupérer. Une dizaine de jours plus tard, nous avons reçu un signalement de la SPA de Nîmes, qui n'avait pas les infrastructures pour accueillir des chevaux. Nous avons recueillis une jument et une ânesse qui étaient dans un état déplorable de maigreur. Ensuite, nous avons eu une saisie dans un élevage d'endurance qui était en perdition et dont nous avons récupéré les chevaux « les plus maigres ».
Outre les saisies, j'imagine que vous avez aussi fait face à des abandons ?
Oui, 2023 a vraiment été une année où on a été énormément contactés pour les abandons. Malheureusement, on a dû en refuser, mais on a quand même pu en accepter quelques-uns. Ce qui est triste, c'est que la plupart du temps, il s'agit de vieux chevaux que les gens ne peuvent plus monter. On a bien vu en partie l'impact de l'inflation cette année-là. On a eu beaucoup de demandes et très peu d'adoptions, moitié moins que les années passées.
Combien d'adoptions réalisez-vous en temps normal ?
À peu près une quinzaine. Là, on en a difficilement fait sept.
L'association C.H.E.V.A.L. existe depuis très longtemps. Quelle est son histoire et quelles sont ses actions ?
C'est Paula Loïs qui l'a fondée en 1992 et dirigée jusqu'à sa mort en 2021. Elle s'est investie corps et âme, et financièrement, pour pouvoir tout bâtir. Elle est vraiment partie de zéro. C'est elle qui a acheté le terrain et a monté toutes les structures. On a une écurie, un rond de longe, un espace maréchalerie, des hangars, c'est à elle qu'on les doit. À l'origine, elle a fondé ce lieu comme une retraite pour des vieux chevaux. Puis, elle s'est heurtée à tout ce qui a touché à la maltraitance et elle s'est dit qu'elle ne pouvait pas fermer les yeux. Donc, elle s'y est lancée à corps perdu et elle a réalisé plus de mille sauvetages en montant des dossiers, jusqu'à diligenter des enquêtes de son côté pour pouvoir faire des dossiers solides.
Ces sauvetages se font-ils partout en France ou dans un périmètre donné ?
Nous avons un périmètre principal, qui est le département du Gard et environs. Mais l'association a déjà agi en Haute-Loire, en Corrèze… On a aussi participé à une co-saisie en Bourgogne.
Quelle est la capacité actuelle d'accueil du refuge ?
Alors malheureusement, la capacité d'accueil ne dépend pas de la place qu'on a, mais plutôt des finances. Actuellement, nous avons 170 équidés sur 70 hectares. Nous cherchons à réduire progressivement leur nombre parce que nous en avons une centaine qui ont passé la vingtaine. Donc ils ont besoin de soins particuliers et qui coûtent cher. Certains ont de l'arthrose, le syndrome de cushing, etc. Aujourd'hui, nous ne pouvons pratiquement pas accepter de chevaux en situation d'abandon. ?Nous réservons des places pour les urgences vitales, dans les cas de maltraitance.
Combien de personnes participent à la vie du refuge et l'entretien des chevaux ?
Alors, nous avons cinq salariés pour assurer l'entretien quotidien : donner à manger, faire des soins et pour certains nettoyer les boxes. Ensuite, les bénévoles apportent leur aide sur ces tâches-là, en plus du bricolage et de l'entretien de la structure. On s'adapte à ce que chacun peut fournir. C'est-à-dire que s'il y en a qui ne sont pas très à l'aise avec les chevaux, ils peuvent faire un peu plus de bricolage. Si certains ne peuvent pas porter de lourdes charges, ils peuvent faire du pansage. Chacun peut apporter quelque chose à sa mesure. Et le planning est un peu « à la carte ». On s'adapte aux disponibilités de chaucun. En tout cas, nous recherchons toujours des bénévoles.
Y a-t-il besoin d'avoir une connaissance particulière des chevaux ?
Pas forcément. On enseigne à ceux qui sont motivés. On a aussi des jeunes, mineurs entre 10 et 15 ans qui peuvent venir, mais ils sont sous la responsabilité de leurs parents.
Au niveau financier, j'imagine que vous avez toujours besoin de soutien. Comment financez-vous l'entretien des chevaux ?
La protection animale, de façon générale, ne rentre pas dans les cases pour les aides de l'Etat. On ne fait partie ni du social, ni du culturel, ni du sportif. Donc, c'est très compliqué. On a la chance d'avoir le soutien d'un élu qui nous aide à avoir une petite participation du département. Nous avions eu la chance, après le Covid, de bénéficier d'une aide de l'Etat pour certains de nos projets. Nous avions pu notamment installer des abris pour les prés qui n'en étaient pas équipés, racheter un tracteur pour notre fonctionnement quotidien. Mais ces enveloppes n'ont pas été renouvelées. Nous fonctionnons à 95% grâce aux dons des particuliers ou au mécénat d'entreprise.
Et si un particulier ou une entreprise veut vous aider, comment peuvent-ils le faire ?
Comme nous sommes d'intérêt général déjà, ce don est défiscalisable à 60% pour les particuliers et 66% pour les entreprises. Nous avons un site internet avec un lien Paypal et une page Hello Asso que nous sommes en train de travailler, où on peut faire des paiements sécurisés. Ils peuvent aussi nous contacter s'ils préfèrent nous faire un virement directement ou envoyer un chèque.
Vous placez des chevaux, mais quels sont les critères pour pouvoir accueillir un cheval ?
Il faut déjà avoir un cheval, afin que celui qu'on place ne soit pas seul. Évidemment, il faut avoir de l'espace, mais on ne donne pas de chiffres précis parce que ça dépend de beaucoup d'autres paramètres, mais il faut qu'ils puissent avoir l'espace de galoper, un abri… Il faut aussi savoir également que la plupart de nos chevaux étant des saisies d'élevage, ils ne sont pas forcément débourrés. Les adoptants doivent prendre en compte cet aspect-là avant de s'engager. Nous demandons également qu'il n'y ait pas de reproduction pour les juments. Il y a déjà trop de chevaux victimes de mauvais traitement, autant éviter d'en mettre d'autres sur le marché.
L'association C.H.E.V.A.L. sera présente au salon Cheval Passion à Avignon afin de sensibiliser le public et parler de ses actions.
Pour en savoir plus sur l'association C.H.E.V.A.L., cliquez ICI.
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