Cheval Passion, Maurice Galle : « Le cheval fait partie d'un patrimoine qu'il faut transmettre »
01/13/2025 11:12 AM
Avec son fils Fabien, Maurice Galle est de ces personnages incontournables dans le spectacle équestre en France. Il a participé aux débuts de nombreux grands noms du spectacle équestre français, et continue à œuvrer pour le cheval artiste, notamment à travers l'organisation de Cheval Passion. Salon que vous pourrez (re)découvrir su 15 au 19 janvier.
Dans les allées de Cheval Passion, Maurice Galle est sur tous les fronts. Toujours à cent à l'heure, il passe dans les différents halls, coordonne avec son fils Fabien les répétitions des spectacles des Crinières d'Or, tout en œuvrant durant l'année pour le spectacle équestre et l'équitation pastorale, chère à la région. Nous l'avions rencontré l'année dernière, durant la 38e édition de Cheval Passion.
Cheval magazine : Comment est né Cheval Passion à l'origine ?
Maurice Galle : Cela fait trente-sept ans que Cheval Passion existe. Ce salon est né de l'envie du maire de l'époque, Jean-Pierre Roux, qui avait besoin d'une animation en ville. La chance qu'on a eue, c'est qu'il s'est tourné vers un groupe d'amis, composé de passionnés de chevaux. Ils ont rencontré le directeur d'Avignon Tourisme et lui ont proposé de monter une manifestation autour du cheval. Nous sommes alors en octobre. Ils m'ont rapidement appelé afin de les aider à mener l'opération à terme. L'équipe s'est ensuite agrandie, a évolué, jusqu'à ce que nous prenions les commandes de Cheval Passion avec mon fils, Fabien, et notre société, Equi'Créa.
« Le foyer même de la création et de la détermination de l'émulsion équestre passe par Cheval Passion. »
CM : Qu'est-ce qui a été déterminant dans votre envie de vous lancer dans l'organisation ?
MG : Le premier électrochoc que j'ai eu, c'est qu'un jour on est venu me voir en me disant : « Maurice, tu fais de très belles selles, on a de beaux chevaux mais on ne sait pas où les montrer. » Comme j'ai dans le sang l'ADN de l'organisation, je suis parti à l'aventure, pour trouver des lieux afin d'organiser différentes manifestations : féria de Méjanes, féria des Saintes-Maries-de-la-Mer, on a aussi monté une grosse opération avec 2 500 chevaux au château d'Avignon, mais aussi à Nîmes, à Beaucaire, à Marseille en 2013, on a travaillé plusieurs années avec le Maroc, mon fils est allé à Doha au Qatar... On a eu un chemin riche en expériences qui nous ramène systématiquement à Cheval Passion. Le foyer même de la création et de la détermination de l'émulsion équestre passe par Cheval Passion.
« Il y a une véritable esthétique dans le cheval. »
CM : Pourquoi avoir développé et fait de la région le centre névralgique du spectacle équestre ?
MG : On s'est dit que le seul moyen d'évoluer dans tous les domaines, c'était de se rapprocher de la culture. Monter en centre équestre et s'enfermer dans des cours en club ne convient pas à tout le monde. Nous, on a besoin de plein air. En travaillant avec plusieurs grands maîtres, je me suis rendu compte qu'il y avait une véritable esthétique dans le cheval. Or cette esthétique, on ne l'employait que pour faire du dressage. C'est là qu'on a eu la chance de faire des rencontres favorables qui nous ont permis de nous dire qu'on pouvait aller beaucoup plus loin.
Pour moi, le spectacle équestre est encore à la préhistoire aujourd'hui. Il y a énormément de choses à faire, il faut aller puiser dans l'énergie de chacun pour faire un spectacle. Mais dans le monde du cheval, le spectacle n'est pas suffisant. On ne doit pas enfermer le cheval, soit dans le spectacle, soit dans le sport, il faut l'orienter vers autre chose. On ne peut pas être que dans la branche sportive ou que dans l'agriculture, il faut penser au sens large, il faut penser culture. C'est aussi pour ça que j'ai eu l'idée, avec toute l'équipe, du projet Graines d'artistes.
« Cheval Passion est un laboratoire »
CM : Mais dans vos projets, vous allez encore plus loin, au-delà des frontières de Cheval Passion ?
MG : L'idée n'est pas de tout recentrer dans la région, on souhaite simplement être un lieu pilote. À cet effet, Cheval Passion est un laboratoire. J'ai cette chance inespérée qu'on ait réussi à monter les marches jusqu'à atteindre cette renommée. Par exemple, quand j'ai appelé Miron Bococi et qu'il est entré sur la piste des Crinières d'or, il nous a dit qu'il était entré dans la Mecque. Et c'est quelque chose que je vais transmettre, qui sera encore là quand on aura passé le relais. Ce qu'on veut, c'est pouvoir chaque jour construire quelque chose qui soit utile pour l'avenir du cheval.
CM : Si on rentre un peu dans les détails, qu'est-ce que le concept du cheval artiste ?
MG : Pour moi, c'est d'abord une complicité entre cavalier et cheval. Comme on le sait tous, tout ce qu'on fait en équitation, c'est donner des codes. On apprend des signaux au cheval, qui sont plus ou moins fins au fil de l'apprentissage. On se rend compte que le cheval est beaucoup plus intelligent que nous et qu'il nous mène sur des pistes que l'on ne connaît pas, il nous sort de notre zone de confort. J'estime que dès qu'on a mis à la porte son ego et qu'on est à l'écoute avec de la volonté, les choses se construisent tranquillement.
« La base, c'est de travailler dès le début dans le sens du cheval. »
La base, c'est de travailler dès le début dans le sens du cheval. Mais au-delà du cheval, ce qui m'intéresse, c'est d'aller chercher la créativité dans le projet Graines d'artistes. Je passe énormément de temps dans les écoles où on commence par parler cheval, tradition, patrimoine. À partir de là, je vais leur faire rencontrer un centre équestre. Ce centre équestre émet une idée, et les enfants vont ensuite travailler et parler cheval en classe pendant environ deux mois. Et ces enfants ont en général une imagination folle, qu'on retrouve ensuite à Poney Passion. On leur donne la possibilité de s'exprimer sur quelque chose qui n'est pas de leur quotidien.
En outre, Graines d'artistes va servir l'équitation en suscitant parfois de nouvelles vocations. Si on regarde plus loin, l'IFCE est sous la régie du ministère de l'Agriculture. Nous, avec ce projet, on mélange le cheval et l'Éducation nationale. On se retrouve donc avec un plus large réservoir de gens qui ne seront pas insensibles au monde du cheval. Cela va nous permettre d'élargir notre champ d'action pour que si un jour on a des détracteurs virulents, ce réservoir pourra leur répondre et contrecarrer les propos.
« Les spectacles qu'on monte ici sont faits pour partir à la conquête d'un nouveau public. »
CM : Justement, comment toute cette action autour du cheval peut servir sa cause en France ?
MG : Il faut faire la démonstration du fait que si on n'occupe pas les territoires et qu'on ne monte pas sur les chevaux, les hectares occupés par les centres équestres, le foin de Crau, l'élevage de chevaux camargues, lusitaniens... tout cela va disparaître. Sachant qu'un cheval sauvage n'a qu'environ 7 à 8 ans de vie. Nos chevaux qu'on aime et qu'on soigne, on les emmène jusqu'à au moins 25 ans. Si on prépare toutes les jeunes générations avec notre amour du cheval, ils seront acquis à notre cause. Le cheval fait partie d'un patrimoine qu'il faut transmettre. Et c'est toute cette partie esthétique avec le spectacle équestre qui nous permet de nous adresser à un jeune et nouveau public. Les spectacles qu'on monte ici sont faits pour partir à la conquête d'un nouveau public. Et on touche dans les 25 000 personnes. Et à la source, on fait travailler ensemble des gens qui ne se connaissaient pas.
« Cheval Passion, c'est le lieu où on prend des risques. »
CM : Ce qui donne des numéros inédits comme on a pu le voir en 2024...
MG : En 2024, on a présenté aux Crinières un spectacle 100 % création. On a travaillé plusieurs mois avec chacun des artistes pour monter le numéro. C'est tout un travail pour leur permettre ensuite de partir en tournée et de vivre de ce métier. Il faut présenter d'autres créations avec de nouveaux visages, sinon on tourne en rond. Les leaders auront toujours leur place, mais on a besoin de ce sang neuf. On a fait naître toute une génération d'artistes. Avec Jean-François Pignon, on a fait connaître Gazelle, qu'il présentait dans des clubs du coin. On a ensuite approché Magali Delgado et Frédéric Pignon et tous les autres comme Lorenzo.
La difficulté, c'est d'exister sans exister. Il faut que les gens réussissent grâce à eux et non grâce à nous. On leur ouvre les portes et on les accompagne. Cheval Passion, c'est le lieu où on prend des risques. Il faut toujours s'effacer, et les pousser à aller puiser au fond d'eux-mêmes cette puissance créative qu'ils ont sans la connaître. Cela leur permet de découvrir des pistes qu'ils n'auraient jamais imaginées.
Retrouvez plus d'infos sur l'édition 2025 de Cheval Passion ICI.