Valéry Demory : « Dans le sport, il n'y a pas que le côté sportif. Autrement ce serait simple »
Hier à 05:51 AM
Après Marième Badiane partie en février 2024 au Fenerbahçe, le coach de Lattes-Montpellier a perdu cet été Mamignan Touré (Gérone). Une fuite des talents inexorable pour le basket français ?L’analyse au goût amer de Valéry Demory
On parle beaucoup de la fuite des talents en Betclic Elite. Chez les filles, l'intersaison a également été assez agitée avec pas mal de départs de Françaises à l'étranger (Salaün, Chery, Touré, Fauthoux, Johannès, Williams, Ndlr) cela vous inquiète-t-il ?
Inquiéter, ce n’est pas le mot, mais il va falloir qu’on réfléchisse à des solutions pour éviter cet exode. Si on n'a plus les bonnes Américaines qui jouent en WNBA, si toutes nos bonnes Françaises voire Européennes s’en vont en Turquie… Heureusement qu’on a les jeunes derrière. Le problème, c’est qu'il faut un certain temps pour les former. On va devoir avoir une grosse réflexion à la Ligue et à la Fédé pour savoir comment on peut éviter tout ça.
9 joueuses de l’équipe de France qui étaient aux JO jouaient en France. Là, il n’y en a plus que 3. Dans ces conditions, le championnat ne risque-t-il pas de baisser de niveau ?
En qualité oui. En intensité pas forcément. Et surtout, les lignes vont se resserrer.
« Fenerbahçe, il n'y a pas une équipe en France qui peut rivaliser financièrement »
Cela veut dire que l'exploit de Villeneuve-d'Ascq d'aller en finale de l'Euroligue la saison dernière sera compliqué à rééditer ?
Peut-être pas parce qu'à part la Turquie sur les autres championnats on est compétitif. Maintenant, c’est vrai qu'une équipe comme Fenerbahçe il n'y a pas une équipe en France qui peut rivaliser. On n’est pas sur les mêmes budgets.
Mersin également, c'est fort !
J’ai dit la Turquie ! (sourire) Mersin, ça fait des années qu’ils mettent de l’argent. Pour l’instant, ça n'a pas encore souri, mais, un jour ou l’autre, à force d’avoir les bonnes joueuses, ça va payer.
En tant que coach, est-ce difficile d’attirer les joueuses, de les garder ?
Les attirer, ce n’est pas compliqué, c’est les garder qui est compliqué ! Certaines triplent leur salaire. Quand on a 28, 29, 30 ans, on sait qu'on arrive plutôt à la fin qu’au début donc on réfléchit. Une fille comme Marième Badiane que je connais depuis longtemps m’a dit : « J’ai l’occasion de mettre un peu d’argent de côté. » Je lui ai dit : « Vas-y, profites-en tant que tout va bien. » C’est une réflexion logique. Dans le sport, il n'y a pas que le côté sportif. Autrement ce serait simple.
Janelle Salaün qui part en Italie, à Schio, qui est une bonne équipe, mais pas non plus un top team, est-ce le bon choix ?
Schio domine le championnat d’Italie. Mais encore une fois les Italiens ne payent pas de charges. On ne peut pas rivaliser ! Sur une ou deux équipes italiennes, on ne peut pas rivaliser. Avec les Turcs, c’est pareil, mais multiplié par 6 ! Et on n’a pas les Russes sinon ce serait la même chose !
Il y a de quoi être inquiet, non ?
C’est pour ça qu’il faut qu’on ait vite une grosse réflexion là-dessus. La longueur de notre championnat nous empêche aussi d’avoir certaines Américaines qui jouent en WMBA. Il va falloir réfléchir comment on peut faire pour arrêter tout ça.
Les clubs voulaient pourtant passer de 12 à 14 équipes !
Ce n’est pas parce qu’on passe à 14 qu’on est obligé de jouer aussi longtemps ! Ça n'a rien à voir. En France, on est bridé par beaucoup de choses. Par exemple, on voudrait jouer entre Noël et Nouvel An. On ne peut pas parce que, dans les statuts, il faut 7 jours de vacances à Noël, ce qui n'existe pas en Turquie ou en Espagne. On est bridé par certaines choses et après on pleure. Il faut évoluer. Il faut savoir ce qu’on veut.
Heureusement que la saison WNBA n'est pas aux mêmes dates que la saison européenne…
Ce n'est pas leur intérêt. Ils veulent garder l’attractivité des garçons et enchaîner tout de suite avec les filles.
« Notre objectif, c’est de trouver les filles de la génération d’après. On n'a plus le choix, nous les entraîneurs »
Le championnat de France a depuis cette saison un namer (La Boulangère). Cela peut-il aider les clubs à garder leurs joueuses ?
Je ne sais pas, je ne suis pas financier. Cela va
dépendre du montant que les clubs vont récupérer. A mon avis, ça ne va pas dépasser les 10 000 euros. Par contre, c’est bien, ça nous fait grandir, ça nous fait avoir une autre image. C’est une très bonne idée.
Derrière les Carla Leite et Dominique Malonga, quelles sont les autres jeunes à suivre ?
Il y a aussi Leïla Lacan. Ce sont des filles qui sont déjà ou en équipe de France ou très proches. Notre objectif, c’est de trouver les filles de la génération d’après. On n'a plus le choix, nous les entraîneurs, les bonnes Américaines sont parties. On est obligé de prendre des filles qui sont soit des deuxièmes couteaux et qui veulent travailler pour essayer de passer au-dessus soit des jeunes qui veulent essayer dans les deux ou trois ans qui arrivent d'être en équipe de France. Le recrutement se passe comme ça maintenant.
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