Teddy Riner : « On m'a proposé 15 millions pour trois combats de MMA »

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A l'occasion du lancement de la Riner Cup (les 5 et 6 avril), le quintuple champion olympique de judo s'est longuement confié. Attention au ippon !

Vous lancez la Riner Cup. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La Riner Cup, c’est un événement que j’ai créé après les Jeux. En septembre-octobre, j’ai eu cette idée de continuer à faire kiffer parce qu’on a kiffé les Jeux Olympiques, moi en tant qu’athlète, mais aussi le public qui a vécu ces Jeux à Paris. J’ai toujours eu cette idée de créer un tournoi, mais je n'avais pas les bons ingrédients, les bonnes personnes autour de moi pour pouvoir le lancer. Là, je me suis dit : "Je le fais !" Je veux qu’il y ait de la musique, que ce soit fun, qu'il y ait du spectacle. Je veux réussir à faire venir les champions internationaux pour qu’ils soient au contact de tous ceux qui aiment le judo. Et surtout, je voulais que toute personne qui vient combattre, à la fin de la journée, qu’elle soit sur le podium puisse avoir, comme nous sportifs, une récompense. Pour les mineurs, ça peut être des iPad, des trottinettes, de beaux cadeaux. Pour les séniors (à partir de 17 ans), ça va être une prime. Je voulais vraiment qu'on soit dans cet univers des Jeux Olympiques, mais pour les amateurs. Je ne voulais pas qu'il y ait des internationaux qui viennent sur le tournoi parce que ce n’est pas mon but. C’est le but des fédérations internationales, du CIO, mais pas le mien.

Il faut néanmoins être licencié pour participer à la Riner Cup.

Ceinture verte minimum. Si vous avez une licence, c’est très facile (la ceinture verte vient après la blanche, la jaune et l'orange, Ndlr). On ne pouvait pas l'ouvrir aux non licenciés, tout simplement en raison du risque de blessure. Si quelqu'un ne sait pas chuter, qu'il pose la tête, on a un tétraplégique ! On va éviter ! (sourire) Donc le minimum, c’est licencié et ceinture verte.

Qui seront les judokas stars présents ?

Il y aura Maruyama (le Japonais a été champion du monde en moins de 66 kg en 2019 et 2021, Ndlr). Il y aura beaucoup de champions du monde et de champions olympiques, ainsi que des guests, mais je ne les dis pas sinon ça dévoile trop de choses… Maruyama est content de venir, de faire une démonstration, de signer des autographes.

« Redonner au judo ce qu'il m'a donné »

A travers ce tournoi, espérez-vous aussi repérer les futur Teddy Riner ?

Exactement ! La première idée, c’est de redonner, c’est pour moi un moyen de transmission parce que j’ai reçu vraiment beaucoup, beaucoup pendant toute ma carrière et vraiment encore plus sur ces Jeux Olympiques de Paris. Mais cette compétition est aussi un moyen de voir des pépites, on ne sait jamais, des pépites qui sont en clubs, qui vont éclore, montrer le bout de leur nez sur ce tournoi et qui ont besoin de conseils, qu’on les pousse un petit peu plus ou qui ont juste besoin d'être repérés.

Ce n'est pas non plus la Star Academy !

Non, mais si les instances ont loupé un petit prodige, c'est l'occasion de le récupérer, de l'aider et de s’en occuper.

La compétition aura lieu à Asnières dans le dojo qui porte votre nom ! 

Je trouvais que c’était bien de commencer là. Surtout que les équipes de la mairie sont dynamiques. Quand on leur a demandé si on pouvait créer cet événement chez eux, ils ont répondu tout de suite oui et ils ont mis les petits plats dans les grands pour nous aider.

Avoir une compétition à son nom, c’est le graal !

Comme c’est ma compétition, j'ai mis mon nom, mais ce n'est pas quelque chose qui flatte plus que ça mon ego. On a cherché des noms et quand le mien est arrivé sur la table, j’ai dit ok. 

L'événement sera-t-il télévisé ?

Oui, il sera sur la chaîne L’Equipe. 

On parle souvent des valeurs du rugby. Celles du judo ne sont-elles pas assez mises en avant ? 

Le judo a ses valeurs. On sait tous qu'il y a un code moral, une charte établie, qui ressemble de près ou de loin à ce que les parents nous ont inculqué ; le courage, le contrôle de soi, la modestie, etc. Elles font partie de notre ADN. Quand on commence le judo à l’âge de 4-5 ans, on doit apprendre le code moral.

Avez-vous d’autres projets judo ?

Rien de plus que les gens connaissent. Mes Académies notamment. Avec comme chaque année, la Riner camp. 

« Tant que je prends du plaisir, je continue »

On parle beaucoup du MMA, le sport à la mode en ce moment. Qu'en pensez-vous ?

Si la question est : "Est-ce que je vais y signer un jour", la réponse est non ! Je suis très bien où je suis. Malgré les propositions financières que je reçois, mon sport, c'est le judo !

Pas mal de judokas franchissent pourtant le pas…

Je peux comprendre, mais moi non. Beaucoup de judokates d'ailleurs plus que de judokas.

Avez-vous reçu des propositions importantes ?

Ce n'est pas un secret. L'année dernière, c'était 15 millions !

Pour ?

Pour trois combats avec l'UFC. Mais ce n'est pas possible. Si je signais là-bas, tout ce que j’ai créé dans le judo, mon palmarès, il s'envole ! Ça ne m’intéresse pas. 

Ça pourrait être une continuité si vous arrêtiez le judo…

Ça ne m'intéresse pas. Ce n’est pas mon domaine, ce n’est pas quelque chose qui me donne envie. 

15 millions, c'est quand même une somme…

15 millions, c’est bien, c'est une belle somme, mais ce n'est pas l'argent qui m'anime.

Comprenez-vous cette hype autour du MMA et ne peut-il pas faire un peu d’ombre au judo ?

Ce n’est pas le même public et même si c'est le même public c’est un public qui aime les arts martiaux, qui aime regarder le fight. Le MMA ne nous fait pas d'ombre. On a toujours notre communauté qui grandit. Chaque sport de combat a sa communauté.

Le MMA séduit davantage les jeunes. 

J’ai l’impression. Après, tant que c'est bien cadré. 

Trouvez-vous ça violent ? 

Ce serait mentir si je disais que je ne trouvais pas ça violent. C'est violent parce qu'on voit du sang, on voit certaines choses qu’on n'a pas envie de voir sur nos enfants. Après, ils disent que c’est cadré, que c'est de mieux en mieux cadré…

Ancien combattant de K-1, Jérôme Le Banner nous disait qu'il n'y aurait pas match entre vous et lui dans un combat MMA…

Je ne vais pas me rabaisser à me comparer. Ce sont deux sports différents. Ça n’a rien à voir. Chacun son sport. Moi j'ai performé dans le mien, je suis le recordman du mien. Point.

Si jamais vous aviez sauté le pas du MMA, pensez-vous qu'un judoka est avantagé ou non par rapport à un combattant d'un autre art martial ? 

Je pense qu’on a beaucoup de points qui font qu’on aurait pu être bon dans beaucoup de domaines. Quand on voit les spécialistes de l'UFC qui viennent s’entraîner au judo, au ju-jitsu brésilien… Il y a plein de choses qui font qu'on a des points positifs pour être bon dans ce sport. J’ai pu voir pas mal de judokas aller en MMA et être dominants. Mais je n’ai pas la prétention de dire que je suis meilleur qu'untel ou untel dans un combat.

Ça ne vous aurait pas fait peur d'aller dans la cage.

Non ! Mais je suis bien content d'être resté dans mon sport.

« Ce qui compte, c'est le nombre de médailles d'or total et personne n'a fait mieux que moi ! »

Vous avez décidé de poursuivre jusqu’aux Jeux de Los Angeles. N'est-ce pas risqué quand on a tout gagné et qu'on a gagné comme vous deux médailles d'or aux Jeux de Paris ? 

Pourquoi un risque ?

Vous auriez pu sortir par la grande porte avec ces deux médailles à Paris.

C’est très français ça de vouloir partir par la grande porte. Ça veut tout dire et rien dire. L’essentiel pour moi est ce qui a toujours fait que j’ai fait du judo, c’est d’avoir cru en moi, en mon potentiel, en mon projet et de prendre du plaisir. Tant que je prends du plaisir, c’est d’abord ça qui me conduit à continuer à aller jusqu’à Los Angeles. 

Parce que vous voulez être le seul champion olympique à avoir remporté quatre médailles d'or en individuel (le Japonais Tadahiro Nomura en a également gagné trois en 1996, 2000 et 2004, Ndlr) ? 

Je suis déjà le seul aujourd’hui à avoir mon palmarès dans le judo (trois fois champion olympique en individuel en 2012, 2016 et 2024, et deux fois par équipes en 2020 et 2024, Ndlr). C’est plus l’histoire de kiffer, de continuer, de prendre encore du plaisir mes quatre dernières années. Et si j’en ai marre, j’arrête. Si je prends toujours du plaisir, je continue. Quatre ans, ça passe vite. 

Il n'y a donc pas l'envie de marquer encore un peu plus l'histoire.

J'ai cinq médailles d’or, sept médailles olympiques (avec celles en bronze en 2008 et 2020, Ndlr). Il n'en a que trois ! Ce qui compte, c'est le nombre de médailles d'or total et personne n'a fait mieux que moi !

Vos médailles des JO de Paris ne se sont-elles pas abimées comme ce qu'ont connu d'autres athlètes ?

Non, ça va. Les médailles s'abiment quand elles s’entrechoquent. Il y a eu des liquides qui ont été versés sur certaines et il y a des risques de corrosion (sic).

« Amandine Buchard va devoir choisir entre le rugby et le judo »

Pensez-vous que la France a bien géré l'après JO et qu'elle a su surfer sur cette dynamique ?

Il y a des choses positives qui ont été faites et il y a des choses un petit peu moins bien, notamment sur le budget, lorsqu’ils ont eu l’idée de le réduire alors qu'il faut surfer sur cette vague pour justement faire en sorte qu'on continue à amener toute une génération dans le bon sens.

Ça a duré un mois et après on est passé à autre chose…

Toutes les belles choses ont une fin. On l'a d'autant plus ressenti comme un mur en pleine face parce que c’est nous qui les avons organisés. C'étaient mes 5èmes Jeux et à chaque fois un mois après ça redescend. C’est normal. Le boom des Jeux Olympiques ou d’une Coupe du monde, ça redescend progressivement. 

Que pensez-vous du nouveau défi d'Amandine Buchard de participer aux prochains JO en judo et en rugby ? 

Je ne sais pas si c’est possible. Le rugby, ça commence avant les Jeux et le judo, c'est la première semaine des Jeux Olympiques, donc pour moi ça me paraît impossible. On ne peut pas concourir au rugby et venir combattre au judo. Je connais la mentalité de notre Fédération. Ils ne se risqueront jamais à ça. Physiquement, ce n'est juste pas possible ! Elle va devoir choisir entre le rugby et le judo. C’est aussi simple que ça. 

Après les Jeux de Los Angeles, un autre sport pourrait-il vous tenter ? 

Je serai vieux. 39 ans déjà je suis usé. J’aurai envie de connaître autre chose, de m’occuper  de mes enfants, de vivre autre chose, de croire en autre chose. 

Vous avez été opéré du coude en janvier. Comment allez-vous et quelles sont les prochaines échéances ?

Ça va. Les prochaines échéances, ça va être juin, juillet. D'ici là, c’est revenir à mon meilleur niveau, kiné, préparation physique et reprendre le judo. Les Mondiaux vont arriver vite (du 13 au 20 juin, Ndlr).

Quand on a tout gagné, un championnat du monde (11 fois titré, Ndlr) vous motive-t-il toujours ? 

Quand on a tout gagné, c’est d’aller chercher une 4ème médaille d'or olympique individuel pour faire fermer les bouches à tout jamais à certaines personnes. Pour clôturer tous les débats (rires). Tous les sports mettent les médailles d'or par équipes dans les décomptes.

Bolt, on lui compte toutes ses médailles, en individuel et en relais ! Quand c’est un Français, il ne faudrait pas les mettre ? Et même si on ne comptait que les médailles individuelles, avec les deux médailles de bronze, je serais déjà seul devant.

Vous rencontrez beaucoup de champions à l'image de Lewis Hamilton et Roger Federer. Quel est celui qui vous a le plus impressionné ? 

Je ne peux pas en mettre un en avant plus qu'un autre. Chacun dans son domaine a fait de belles choses. Moi qui suis un amoureux du sport, je sais apprécier et profiter de chaque moment. 

Lequel rêvez-vous de rencontrer ? 

Tiger Woods. Par curiosité parce qu'il a incarné tellement de belles choses tout au long de sa carrière. Autrement, tous les champions que je voulais rencontrer, je les ai rencontrés.  C'est un monde très fermé à ce niveau-là et on arrive tous à se rencontrer les uns les autres. C’est toujours bon enfant, on s'encourage et on se suit les uns les autres.

« Si les trois équipes du PSG (judo, hand et foot) gagnent la Ligue des Champions, ce sera une année magique ! »

Le PSG, c’est votre club en judo. Pensez-vous qu'au niveau foot, ça va être leur année ? 

Ils sont bien partis. Pour l’instant, ils ont fait un bon début saison. Franchement, ils ont toutes leurs chances plus que les années précédentes. Cette année, je trouve qu'il y a une belle équipe, une belle cohésion de groupe et ça sent bon. Il faut arrêter de dire qu’on n'a pas nos chances. Paris est une bonne équipe et on peut le faire. 

Il y a encore quelques semaines, tout le monde les avait enterrés…

Le foot, c'est un monde à part… Un jour, je t'aime, un jour je ne t'aime pas. C’est tellement un sport universel, un sport qui est très regardé, très médiatisé, que la critique est très facile. 

Etes-vous surpris que le PSG marche mieux sans Mbappé qu’avec lui ? 

Parfois c’est mieux de créer un groupe que d’avoir des individualités. Quand il y en a un qui prend trop la lumière, parfois ça peut faire un balancier et l’équipe peut mal marcher. Aujourd’hui, on a une équipe homogène qui s’entend bien, on le voit, elle peut performer, elle peut faire des belles choses. C’est ce qu’elle nous montre et c’est ce qu’elle va nous démontrer encore longtemps.

Jusqu'à gagner la Ligue des Champions cette année ?

Je le pense ! C’est l’année du PSG d’une manière générale puisque l’équipe judo a gagné la Ligue des Champions, que celle de handball est bien cette saison et que celle de foot est bien. On est qu'une seule et même équipe et si les trois équipes du PSG gagnent la Ligue des Champions, ce sera une année magique !

Vous avez animé des émissions télé récemment, est-ce important pour vous de faire autre chose ? 

C’est juste pour moi de nouvelles découvertes. Ça ouvre des portes. Moi qui suis épicurien, qui aime bien découvrir de nouvelles choses, quand on me le propose et qu’en plus c’est bien cadré ou on apprend de nouvelles choses, je le fais avec grand plaisir. 

Savez-vous déjà s'il y aura une édition 2 de la Riner Cup ?

Il y aura une édition 2, 3, 4… Le plus longtemps possible !

La Riner Cup, c'est quoi ?

La première édition de la Riner Cup (rinercup.com) réunira amateurs et champions sur un même tatami, les 5 (compétitions cadets et cadettes) et 6 avril (compétition séniors ouverte aux athlètes nés à partir de 2008) à l'Arena Teddy Riner à Asnières-sur-Seine au 103 Avenue de la Redoute, 92600 Asnières-sur-Seine. Un événement inédit porté par Teddy Riner qui fêtera son anniversaire le 7 avril. Chaque jeune, qu'il soit amateur ou compétiteur chevronné (tous les combattants doivent avoir une licence en cours de validité) y a sa place. L'objectif est de briser les barrières entre les niveaux, en permettant aux talents en herbe de côtoyer les plus grands champions, voire de se faire remarquer. L'une des particularités majeures de cet événement est l'introduction d'un prize money (1ère place : 1500 euros, 2ème place : 1000 euros, 3ème place : 500 euros en séniors. 3000 euros pour chaque vainqueur des Super finales ; -53 kg contre -65 kg, -66 kg contre -76 kg, -77 kg contre +77 kg, -86 kg contre +86 kg) qui récompensera non seulement la performance, mais aussi le dépassement de soi. Accessible pour les cadets,juniors et séniors féminins et masculins, la Riner Cup offre une scène unique pour révéler les talents de demain et accueillir des athlètes de tous horizons, amateurs comme internationaux.

Programme : Samedi 5 avril : compétitions cadets et cadettes (billet 3 euros, gratuit pour les moins de 3 ans).

Dimanche 6 avril : compétitions séniors (billet 12 euros, gratuit pour les moins de 3 ans).

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