Michel Jestin (ancien président du club breton) : « Le Stade Brestois donne une leçon à tout le monde »
01/03/2025 07:47 AM
Président du Stade Brestois pendant 14 ans, Michel Jestin est fier du parcours des Bretons en Ligue des Champions. Pour lui, il est clair que Brest est devenu le club phare de la Bretagne.
Il y a vingt, c'est sous une présidence qu'il aura assumée pendant 14 ans que le Stade Brestois, tombé jusqu'en CFA, retrouvait le professionnalisme. Egalement à l'origine des accessions en L2 de Vannes et d'Ancenis, Michel Jestin est en France le seul à avoir présidé trois clubs professionnels. Aujourd'hui président de l'association MJ pour l'Enfance, toujours actionnaire du club, il vit par procuration et avec enthousiasme la belle aventure des joueurs d'Eric Roy.
Président, que vous inspire le parcours européen de votre ancien club ?
Deux mots me viennent spontanément : exceptionnel et historique. Quand j'ai repris le club il y a trente ans, c'était la misère, on en a chié pendant cinq ou six ans pour le relever et le ramener au professionnalisme. Le voir aujourd'hui où il en est, parmi le top 10 des meilleurs clubs européens, c'est, je me répète, exceptionnel et historique. Avec un tel budget, il était impossible d'envisager un tel parcours.
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N’est-ce pas aussi une leçon de parvenir à obtenir de tels résultats avec aussi peu de moyens ?
C'est une leçon, évidemment, le mot résume bien la situation par rapport à un Stade Rennais par exemple qui dépense des millions depuis des années sans parvenir à susciter autant d'engouement autour de lui. Gamin, j'étais supporteur de Rennes et de Brest mais force est de constater qu'aujourd'hui le club phare de Bretagne n'est pas le plus puissant financièrement. Le Stade Brestois, qui n'est jamais en déficit et qui est bien géré, donne une leçon à tous ceux qui pensent qu'on ne peut pas avoir de résultats sans argent.
« Selon moi, le stade est une urgence absolue ! »
Quelle est le secret de la réussite brestoise selon vous ?
Le recrutement effectué par le directeur sportif, Grégory Lorenzi, souvent en fin de marché, est toujours très perspicace. Il a permis à Eric Roy d'insuffler une belle dynamique collective autour de valeurs très simples liées au collectif et à la solidarité. Dans ce contexte, les individualités peuvent s'exprimer et les résultats font le reste pour l'ambiance et la progression des joueurs. Il y a deux ou trois ans, un gars comme Magnetti était un joueur de L2, il est devenu un bon joueur de L1. Il n'est pas le seul, tous ont su se hisser au niveau de l'équipe pour s'affirmer en L1 et en Ligue des Champions. Avec un bon gardien, Bizot, qui a rassuré tout le monde, et une épine dorsale efficace, Chardonnet-Lees Mélou-Ajorque, la fidélité, la technique et l'efficacité, ça donne une équipe équilibrée et capable de rivaliser avec les meilleurs d'Europe.
Au-delà de la Ligue des Champions, comment voyez-vous l'avenir du club désormais ?
Il faut faire attention car dans le football la roue tourne toujours très vite. Mais si les dirigeants restent fidèles à leurs principes de fonctionnement, je ne vois pas pourquoi il faudrait s'inquiéter car le club est bien structuré. Le seul problème est le stade, obsolète depuis trente ans. Pour moi, c'est une urgence absolue. Les Le Saint aspirent à ce qu'il soit fait rapidement, et ils ont raison car il s'agit de la pierre angulaire du club. 85% est déjà financé par des fonds privés, ce qui est rare et exceptionnel en France quand on dépasse des budgets de 100 M€, si le projet n'aboutissait pas, j'ai bien peur que le président cesse son engagement car les perspectives ne seraient plus du tout les mêmes. Cette saison, en Ligue des Champions, ils auraient pu remplir un stade de 100 000 personnes à chaque match.
« Mon engagement a permis au club de retrouver le professionnalisme, je considère que les succès actuels sont aussi un peu les miens… »
Etes-vous pour ou contre la délocalisation au Stade de France pour la suite des aventures européennes ?
Personnellement, je serais resté à Guingamp. Le président a choisi le Stade de France, il a ses raisons que je respecte. Pour un Brestois, aller jouer à Guingamp, c'est comme si on avait demandé aux Bastiais de jouer à Ajaccio pendant leur campagne européenne de 1978 ! C'était inconcevable. Et pourtant, à tous les matchs, tous les supporteurs sont heureux de faire le déplacement. Au Stade de France, la manne financière, déjà conséquente, sera supérieure. Je fais confiance à Lorenzi pour l'utiliser à bon escient dans le recrutement pour maintenir le niveau de l'équipe.
Vous qui avez connu les heures les plus sombres de l'histoire du club, n'aimeriez-vous pas être à la place du président Le Saint aujourd'hui ?
Je n'entretiens aucune jalousie, tout ça est derrière moi. Mais, parce que mon engagement a permis au club de retrouver le professionnalisme, je considère que les succès actuels sont aussi un peu les miens. Il ne faut pas oublier le passé. Je suis sincèrement heureux de cette réussite qui crée un espoir, une dynamique dans toute la région, à tous les niveaux. Je suis supporteur du club depuis 1967 et j'ai vu le foot évoluer, devenir le sport roi. Quand on a la chance de s'identifier à un club comme le Stade Brestois qui fait partie des meilleurs d'Europe, il faut savoir en profiter et être conscient de notre chance. Je n'ai pas l'argent des Le Saint. Sans eux, le club aurait eu du mal à passer l'épreuve du covid où les trésoreries des clubs ont été mises à mal. Aujourd'hui, ma vie est ailleurs…
Tournée vers l'Association MJ pour l'Enfance (asso-mj-enfance.org) dont vous êtes le président ?
Oui, cela fait dix ans que nous travaillons sur l'Afrique, plus particulièrement le Bénin, pour construire des écoles, des hôpitaux, des puits… Nous en sommes à 250 infrastructures, ce qui est énorme. Apporter tout ça à des gens qui n'ont rien, c'est du bonheur, ça vaut toutes les Ligues de Champions du monde ! Après plus de 1000 matchs passés sur les bancs de touche (jamais en tribune !), j'ai tourné la page du foot même si je suis encore actionnaire du Stade Brestois.
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