Jérôme Le Banner : « J'ai failli combattre Mike Tyson en boxe anglaise »

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Légende des sports de combat, à bientôt 52 ans (le 26 décembre), Jérôme Le Banner est toujours prêt à en découdre. Il s'est longuement confié à l'occasion de la sortie de son autobiographie "Tokyo Fight" (aux éditions Les Arènes).

Vous avez fait la "guerre" durant toute votre carrière, comment allez-vous aujourd’hui ? 

Je vais très bien. Je passe beaucoup de temps avec mon amie Lydia qui m’a beaucoup aidé. J’étais dans une relation assez houleuse pendant trois ans. Je me rends compte que mon amie, c’est elle, l’amie de toujours, on partage plein de choses, je sais que je peux compter sur elle.

Quelles sont vos activités aujourd'hui ?

Je suis dans la MMA Academy sur M6 et j’ai une organisation qui s’appelle le KOF, le King of Fighters, qui marche pas mal. On propose du MMA de ville en ville. J'ai aussi un film qui sort le 10 janvier, qui s’appelle Le Jardinier avec Michaël Youn et Jean-Claude Van Damme. 

Quelle est la spécificité du KOF ?

On va dans les petites villes de province. Paris ne nous intéresse pas, c’est déjà pris. On a fait Marseille, une grosse ville, c’était sympa. Là où le public a été présent aussi bien dans l'applaudimètre que dans l'enthousiasme, c’était à Nancy, Orléans. Rennes, Brest, Le Mans. Je les remercie encore parce qu'ils ont donné de la ferveur aux combattants. Ce sont des amateurs avec quand même des gens qui sont en liste pour rentrer à l’UFC.

Quelles sont les têtes d'affiche de votre organisation ?

Delphine (Benouaich). C’est ma chouchoute. C'est une femme avec beaucoup de tempérament, dure au mal avec un visage d’ange. C'est vendeur et surtout elle a pris une place importante dans le KOF. Il y a aussi Hernandez qui a gagné à Orléans. Il a fait un combat magnifique. Il y a aussi Axel Alfandari etNikita Leshukov. On a trois-quatre pépites. Pour l'instant, ce sont des stars dans leur rue (sic), mais ils vont être bientôt des icônes dans leur sport. 

« Les femmes savent très bien se battre »

Les femmes dans le MMA, vous aimez ?

Complètement ! A force de côtoyer les mecs, je suis mecsophobe (sic). Je crois beaucoup en ce sport féminin. On n’est plus dans ce siècle où on dit les femmes à la couture et les hommes qui se battent ! Les femmes savent très bien se battre. Les femmes ont une résilience face à la douleur que les hommes n’ont pas. Dès qu’elles rentrent dans la cage, sur le ring ou sur le tatami, c’est pour en découdre. Il n'y a pas d’observation. On dirait qu’elles ont quelque chose à défendre au fond d'elles-mêmes.

Cinéma, théâtre, avez-vous d'autres projets ? 

Il y a le film avec Michaël Youn. Mais après non. Je mets beaucoup de temps dans le KOF. J’ai une équipe formidable.

Vous avez fait un dernier combat cet été…

… J'en ai fait un autre au mois de septembre à Osaka, mais ça ne s'est pas du tout bien passé contre un Japonais, K-Jee, qui est très bon. J'ai pris un coup à froid, un coup de pied, j’étais séché. J’avais dans l’idée de prendre mes gants et de les déposer au sol à la fin du programme. Malheureusement, c’est mon cul et mon dos qui ont fini par terre… Je me suis réveillé, j'étais sur le brancard.

« Même à 52 ans, il faut se remettre en en question »

Ça ne peut pas être votre dernier combat !!!

Merci ! (Il me serre la main, Ndlr) J’ai envie d’en découdre de nouveau avec ce mec. Là, il va rencontrer un Hollandais. S'il passe ce tour, je pense le reprendre, chez moi, dans ma cage, le 14 ou le 26 mai à Bruxelles. En septembre, je n'étais pas prêt. J'allais partout pour voir les partenaires pour le KOF. Je n'ai pas eu le temps de m’entraîner. Je me suis cru au-dessus du lot et c'est très bien ce qui m'est arrivé sur le coin de la figure et de la tête. Même à 52 ans, il faut se remettre en question. 

Avez-vous vraiment envie de continuer ou est-ce parce qu’il y a des propositions ? 

J'ai toujours des propositions. Là, je me suis dit pourquoi pas et je me suis bien planté. Je vais passer des examens au Luxembourg. Mon docteur me suit vraiment de très près. Si, au niveau cognitif, ça ne va pas, je finirai sur un point-virgule. 

Mike Tyson est lui aussi remonté sur le ring à 58 ans (il a été battu par l'ex-youtubeur Jake Paul). N'a-t-il pas écorné son image ? 

Il y a l'âge même si techniquement je l'ai trouvé pas mal. Je pensais qu'il allait l'étendre. Mais il y a une différence entre l’entraînement et le combat. A l’entraînement, j’ai vu pleins de champions du monde !

En 2004, vous avez rencontrer Tyson. Un combat aurait même pu se faire…

On a failli combattre ensemble en boxe anglaise. Ça ne s'est pas fait parce que les Japonais avaient omis de mettre dans le contrat que, pour avoir le visa, il fallait qu’il passe par l'ambassade japonaise aux Etats-Unis. L’ambassade a dit non parce qu'il avait un casier judiciaire : vous n’êtes pas éligible au visa de travail. Vous pouvez aller Japon trois semaines, mais pas travailler. En plus, il y avait des histoires de Yakuzas, c’était un peu compliqué…

« En boxe anglaise, ce sont 12 rounds, la tête, on est une cible ! »

Le célèbre promoteur Don King vous voulait. Vous auriez pu percer dans la boxe.

Peut-être que j'aurais gagné plus d'argent, mais je n'ai pas de regrets. La boxe anglaise, c’est quand même 12 rounds. On a une cible, c’est la tête alors qu'en boxe thaï ou en kickboxing, la cible, c’est le corps, pas que la tête. Quand j’étais aux Etats-Unis, je m’entraînais avec des entraîneurs qui avaient  mon âge aujourd'hui, 50-55 ans, qui avaient du mal à parler, qui cherchaient leurs mots. Ça me faisait peur. On était une cible. Tout ça pour ça, tout ça pour de l’argent, est-ce que ça en vaut bien la peine ? Et puis le Japon me manquait.

Jerome LE BANNER / Cyril ABIDI – 27.05.2005 – Bercy – K1- WORLD GRAND PRIX 2005 Photo : Xavier Laine / Icon Sport

Si, en boxe, vous auriez duré moins longtemps, avez-vous aujourd'hui des séquelles de tous vos combats ?

Oui, au niveau de la hanche, mais c'est normal. Je vais me faire opérer dans un an. Il n'y a pas que le combat qui est dur, même à l'entraînement on prend cher. Mais j’ai eu de la chance jusqu’à aujourd’hui.

Quand votre fille avait 5 ans, vous avez fait votre testament. Pensiez-vous que ça pouvait se terminer mal ?

C’était d'abord par rapport aux avions car à l'époque le Concorde s'était crashé, le vol Sao Paulo-Paris aussi en pleine mer. Je commençais à paniquer. J'ai pensé à ma gosse. Mais en boxe anglaise, en boxe thaï, en MMA, tout peut arriver. Ce n’est pas un sport, c’est un art martial ! Dans martial, il y a conflit, guerre. Ce ne sont pas deux mecs qui se battent pour une place de parking ! On est entraîné pour. Ce ne sont plus du tout les mêmes coups !

« En judo, Riner est meilleur, mais en MMA je le prends quand il veut ! »

Vous avez commencé par le judo. Vous auriez pu être à la place de Teddy Riner !

J’ai une ténacité qui fait que j’aurais persévérer. A la base, je n'étais bon dans aucun des sports. Je n'étais pas souple, j’étais disgracieux. Je me suis entraîné parce que j’avais une image en tête. A force de se la répéter, on arrive à réussir. Pourtant, c'était alors un sport méconnu en France.

Ça aurait donné quoi un combat Riner-Le Banner ?

En judo, il est meilleur, mais en MMA je le prends quand il veut ! (sourire) Je l’aime bien, mais s'il veut faire un petit tango, ce sera sympa…

Vous avez disputé votre premier combat de MMA en 2001 bien avant que ce sport n'éclate en France où il a été longtemps interdit. Quel regard portez-vous sur ce sport qui est devenu à la mode aujourd'hui ?

Je ne vais pas être mesquin, je surfe dessus avec le KOF. Après, les gens viennent-ils voir le sport ou voir des gens se taper dans une cage ? Edouard Philippe (maire du Havre, Ndlr), par exemple, s’entraîne trois fois par semaine, chez nous, au Havre, dans la salle Emergence, avec son adjoint, en boxe anglaise. Il a besoin de ça pour exulter quelque chose qu'il est obligé de garder au fin fond de lui dans la journée. C’est un exutoire. Beaucoup de médecins, d’avocats se mettent aux sports de combat. Dire je m’entraîne dans une cage, c'est comme si, à la place d'aller kebab, vous alliez au Fouquets !

Pour revenir au MMA, on est quand même passé d’un sport interdit à un phénomène de société !

C’est aussi le reflet de la société qui est plus violente. Le MMA n’est pas violent. Il y a un peu de chahutage comme dans la cour de récréation, mais après c'est de la technique, notamment au sol, ce qu’on appelle le « cage control », le contrôle de la cage, c’est de l'entraînement. Les jeunes ont tout mon respect parce qu’ils se donnent vraiment pour le sport et certains n'auront que des miettes. Le MMA, c’est un entonnoir. Il y a beaucoup de monde au début et, à la fin, il n'en reste que quelques-uns. C’est l'entonnoir de la vie !

Le rugby n'est-il pas plus violent que le MMA ?

C'est violent aussi. Les chocs sont de face et par derrière aussi avec les plaquages. Mais, pour moi, les sports les plus durs, ce sont le cyclisme et la boxe anglaise. 

En MMA, quels sont les combattants que vous appréciez ?

J'aime beaucoup Ciryl Gane, Imavov, Morgan Charrière et Taylor Lapilus qui sont d’ailleurs dans l’émission avec moi MMA Academy. Ce sont de très grands artistes et sportifs de MMA. J'aime aussi Benoît Saint Denis et Lucie Bertaud qui elle fait aussi des cascades et qui commente sur RMC Sport. C'est une femme que j’adore. Elle a un charisme et une voix exceptionnelle. 

« En MMA, il y a beaucoup de candidats au départ, mais peu d'élus »

Le MMA est tellement à la mode qu'on a l’impression que tout le monde veut et pense pouvoir en faire !

Comme je l'ai dit, c'est un entonnoir de la vie. Il y a beaucoup de candidats au départ, mais peu d'élus. Mais tant que les gens bougent et font du sport, même marcher, c'est bien. Marcher, c’est quelque part philosopher, on se pose des questions sur soi-même. On peut être en phase avec soi-même en marchant.

Quel est votre rôle dans la MMA Academy sur M6 ? 

Je suis le parrain de cette organisation qui est menée d’un gant d’acier dans une main de velours par GregMMA. On fait venir deux grands champions qui sont Morgan Charrière et Taylor Lapilus qui forment deux équipes à partir des 28 combattants (18 hommes et 10 femmes) qui se rencontrent. Moi je leur donne des exercices à faire. Par rapport à ça, ils sont repêchés ou non. Ils combattent en amateurs. Il n'y a que des protections de tibia, c’est tout, et de gros gants. Le niveau technique est assez élevé par rapport à leur jeune âge et à leur faible expérience. A la fin, il n'en en reste qu’un, un homme et une femme après leur finale. Ils gagnent chacun 10 000 euros et un an de contrat avec moi dans mon organisation. 

Faites-vous cette émission parce que ça vous intéresse ou juste pour l'argent ? 

Je gagne plus en restant chez moi ! Je l'ai vraiment fait pour mettre en avant ces jeunes. En plus, ça permet de faire connaître ma Ligue. Je vais faire combattre les gagnants. J’aimerais être une porte ouverte avec les grandes Ligues ; Bellator, PFL, Arès et surtout l’UFC. J'aimerais qu'on donne leur chance à des régionaux de devenir des combattants internationaux, comme un centre de formation. Je suis en contacts avancés avec la PFL et, dès que j’ai une pépite, je ne la garde pas, je ne veux pas la garder avec des contrats qui vont durer deux ou trois ans. Moi, à l’époque du K-1, ils m’ont enfermé dans ce système de contrat. A un moment, l'UFC me faisait les yeux doux, le Pride aussi. Je n'ai pas pu parce que j’étais bloqué avec le K-1.

Il y a cinq ans, vous étiez ruiné. Où en êtes-vous financièrement aujourd'hui ?

Tout a été remis en ordre. J’ai fait des mauvais placements avec de mauvaises personnes. On doit alors tout reprendre à zéro, il faut se retrousser les manches. J’ai perdu de l’argent, mais j’ai récupéré mon honneur et surtout ma ferveur pour me battre pour la vie.

Dans votre carrière, quel a été votre plus gros contrat ?  

La première fois, j’ai gagné 1200 francs (environ 269 euros, Ndlr). Je suis monté jusqu'à 500 000 dollars par combat et je combattais trois-quatre fois dans l’année. 

Au Japon, vous êtes une star. Certains Japonais passent même pour vous voir chez vous en Normandie. Est-ce toujours le cas ?

Il y a des vagues. L’an dernier, j'ai dû en voir trois, d’habitude j’en ai une dizaine, une vingtaine. Ils vont à Etretat et ils demandent où j'habite. Ils arrivent à trouver ! Je leur ouvre la porte et je leur offre un café.

Etes-vous plus reconnu aujourd’hui au Japon qu’en France ?

Je ne me pose pas cette question, je m’en fous. 

Quand vous voyez le boom du MMA, n'auriez-vous pas aimé être né 20 ans plus tard ?

Avec des si… Peut-être que je suis né 25 ans trop tôt, mais c'est comme ça. Les réseaux sociaux ont tout fait exploser. Le MMA s’est propagé à une vitesse rapide avec l’UFC et ce sport a pris une autre dimension.

Comprenez-vous que la France ait mis du temps à autoriser la discipline ?

Je comprends. On n'arrive déjà pas à régler nos problèmes chez nous, à régler la violence en bas des immeubles, ils ne voulaient pas la propager à la télé.

Etes-vous plutôt Bruce Lee ou Van Damme ?

Bruce Lee ! C'est lui qui a inventé le MMA. Même si j'adore beaucoup Jean-Claude qui a apporté cette dimension visuelle. Un corps d’athlète, une souplesse de ballerine. On s'est entraîné ensemble, il est encore pas mal (sourire).

En France, il a une image un peu aware

Il a un peu merdé, il le dit lui-même. A un moment, il appelle Universal Studios qui veut lui donner 8 ou 10 millions pour son film. Lui en voulait 25. Ensuite, ça a été une longue traversée du désert pendant 10-20 ans avec des excès de ci, de ça. C'est son personnage. Parfois, il rentre dans des explications à la Lao Tseu, philosophiques. Jean-Claude, c'est un hyper actif, un hypersensible. C’est quelqu’un qui a un odorat. Quand j’arrive, je suis à 100 mètres, il sait que c'est moi ! Mais je l'adore, j’ai passé deux mois extraordinaires avec lui pour le film.

Vin Diesel, c’est un moins bon souvenir… 

Certains acteurs croient en ce qu’ils font alors qu'ils jouent un rôle ! Si vous jouez un caïd, vous n'en êtes pas un dans la vie ! Il faut prendre de la hauteur par rapport à ça. Il faut peut-être se mettre dans une maison isolée après un rôle. C'est comme quand on revient de l’espace, on n’ouvre pas la porte directement, il y a des phases de dépressurisation. Certains auraient besoin de faire un combat contre eux-mêmes, une introspection…

« Avec Michaël Youn, on a le projet de faire Fatal 2 »

Vous aussi vous avez pris des substances illicites. Le regrettez-vous ?

Pas du tout ! Je sais de quoi je parle. Sans substance, j’arrive à effleurer cet état où je me flagelle un peu le cerveau. J'aime bien boire un petit peu et arriver juste avant l’ivresse. Je me dépolarise de mon propre moi (sic). J'aime bien cet état où on est un peu hors sol. 

Vous avez fait du théâtre (Krach et tremblement en 2020, Ndlr). Vous dites que c'était un K-O tous les soirs ! Pouvez-vous expliquer en quoi ?

Monter sur scène, pour moi, c’était plus compliqué que monter sur un ring. On pouvait sentir la respiration des spectateurs. J’ai pris un plaisir incommensurable à jouer cinq fois. J'ai reçu une autre proposition pour jouer un abbé. Ce serait en septembre. J'ai reçu aussi deux ou trois propositions de cinéma, mais j’ai refusé. Je n'ai plus trop envie. On me propose toujours la même chose. Jouer le rôle d’un Corse qui ne parle pas trop… Je n'ai pas envie de jouer les plantes vertes. Qu'ils appellent Interflora ! Michael Youn m'a parlé de faire Fatal 2. Là, c'est autre chose. En plus, c'est un ami. Il peut compter à n’importe quelle heure sur moi ! Fatal (en 2010, Ndlr), c’était son enfant. Pour moi, c'est le film de ma vie avec Astérix et Obélix (Astérix et Obélix aux Jeux Olympiques en 2008, Ndlr). Refaire Hervé Willard avec un W, je signe ! Là, j’ai fait un téléfilm avec Stéphanie Pillonca-Kervern (Enquête parallèle, en 2023, Ndlr) où je pleure dedans, ça me parle. J'ai une scène où j’apprends la mort d'un enfant que j’aime beaucoup. J'ai la voix qui tremble, les yeux embués. Tout le monde sur le plateau pleurait ! J'ai fait deux prises où je devais chialer. On veut tous son Tchao Pantin ! Mais si je n'y arrive pas, ce n’est pas grave.

Prenez-vous des cours ?

Non. Un jour, une actrice m'a dit : « Le meilleur conseil que je peux te donner, c’est écoute ton partenaire comme si tu ne connaissais pas la suite ». C’est un travail. Quand on voit les grands acteurs, parfois entre le génie et la folie la limite est ténue.

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