
Cyclisme : quel avenir pour les équipes amateurs ?

03/19/2025 04:33 AM
La disparition de sept équipes de N1 en deux ans, dont Sojasun espoirs en 2024, Cre'Actuel Marie Morin et Morbihan Adris GOA en 2025 est le symptôme d'un cyclisme amateur de haut niveau qui souffre. Entre la création de nouvelles équipes réserves (développement) en Continentale et le désengagement progressif des collectivités locales, le peloton amateur fond comme neige au soleil.
En deux ans, pas moins de sept équipes ont disparu d'un peloton N1 passé de 28 éléments en 2023 à 19 en 2025. Les deux dernières en date, Morbihan Adris Goa et Cre'Actuel Marie Morin, où est notamment passé David Gaudu, laissent derrière elles 10 et 21 ans de travail acharné pour devenir deux des meilleures formations de l'hexagone, avec 36 victoires pour la deuxième nommée, 25 pour la première en 2024. Si le bilan sportif est satisfaisant, il est insuffisant pour assurer la pérennité de deux structures obligées de céder sous la pression économique.
« Cette décision a été déclenchée par le Conseil Départemental des Côtes-d'Armor, partenaire majeur de l'association depuis 21 ans » expliquait Michel Cantin, le président de Morbihan Adris Goa au moment de prendre la décision de mettre la clé sous la porte.
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Le cyclisme amateur subit de plein fouet la crise
Et de poursuivre : « Nous subissons une baisse du montant de la subvention de 150 000 euros chaque année depuis trois ans et pour 2025 nous n'avons obtenu aucune garantie. Nous aurions aimé poursuivre, mais nous naviguons dans un modèle économique beaucoup trop fragile depuis des années sans que nos instances y portent intérêt. »
« Au contraire, elles imposent des niveaux financiers en constante augmentation nous laissant penser que ce sont les clubs et les organisations qui les soutiennent financièrement alors que cela devrait être l'inverse. Que seraient-elles sans le monde du bénévolat ? Le monde pro a également ses contraintes, mais ignore beaucoup trop le monde amateur. Depuis son existence, le club a permis à plus de 43 coureurs d'accéder à l'élite du sport cycliste sans aucun retour de sa part. »
Dans le même temps, les budgets des formations de N1 n'ont cessé d'augmenter, pour passer d'un minimum requis de 250 000 euros en 2022 à 350 000 en 2025, et atteindre même 650 000 pour les nouvelles Conti Fédérales, niveau intermédiaire créé par la FFC pour faciliter la transition entre pros et amateurs. Dans les faits, le budget moyen d'une N1 est de 580 000 euros pour un sommet proche du million. Celui de La Roche Vendée Cyclisme (N2), l'un des plus gros clubs amateurs de France, monte à 800 000 euros.
« La fédération en a pris conscience, aux instances pros maintenant de réagir… »
Mais son président, Yannick Le Clerc, se demande encore comme il va pouvoir le boucler à l'horizon 2026 : « La région Pays de la Loire va supprimer ses subventions en 2026, soit 60% de notre budget. Il va nous falloir trouver de nouveaux financements pour continuer à nous développer. »
Avec le recul, le club vendéen se félicite d'avoir refusé de monter en N1 en 2023, « pour ne pas se mettre en difficulté financière. Nous avons préféré créer une équipe féminine (aujourd'hui en N2). » Avec 10 salariés et 300 licenciés, la vocation du club se situe davantage dans ses initiatives sociales, entre formation, insertion et inclusion, que dans une quête vaine de se prendre pour des pros sans en avoir les moyens.
« La Fédération a pris conscience du problème, poursuit le président Le Clerc. Sans en attendre trop, j'attends de voir ce que va donner la création de la Conti Fédérale. C'est un début, ça va dans le bon sens, comme l'instauration d'indemnités de formation pour les équipes dont les coureurs sont passés pros. »
Si la somme est anecdotique pour La Roche Vendée, plus de 150 000 euros ont déjà été distribués aux clubs amateurs, 20 000 euros pour le plus doté d'entre-eux. Rien de révolutionnaire, juste de quoi assurer le défraiement d'un ou plusieurs coureurs sous forme d'indemnités kilométriques, pour des sommes qui ne dépassent que rarement 1000 euros par mois. Dérisoire quand, inflation oblige, le budget déplacement, restauration et hébergement peut atteindre 100 000 euros par saison en N1.
En ajoutant les frais de mutation (970 euros par coureur d'une autre région, 710 pour le même comité), l'achat des vélos et du matériel, pas toujours revendu en fin de saison ou inclus dans un partenariat avec un sponsor, l'assiette des recettes suffit à peine pour équilibrer les comptes.
Un budget de 100 000 € en moyenne
Les clubs les plus fragiles sont ceux qui ont mis, par facilité ou obligation, tous leurs œufs dans le même panier ; dépendants des collectivités territoriales ou d'un ou deux gros sponsors. C'est le départ de Sojasun qui a conduit l'équipe des Heulot à la liquidation en 2023 sur la même implacable logique économique.
« Il n'est pas cohérent de demander autant d'argent à un sponsor privé en lui proposant aussi peu de retours sur investissement » reconnaissait Stéphane Heulot, l'actuel manager de Lotto. « On est dans le brouillard, mais on ne va pas pleurer sur notre sort, plutôt continuer à se battre au quotidien avec la même énergie et la même passion, conclue Anthony Barle, le manager général du VC Villefranche Beaujolais, une des cinq formations Conti Fédérale de N1.
« Mais il faut changer les mentalités, réinventer le modèle économique des clubs amateurs de haut niveau. Ça devient urgent… on est dos au mur. La fédération en a pris conscience, aux instances pros maintenant de réagir ! »
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